Comment le confinement dans un appartement pour personnes âgées est-il vu de l’intérieur ?
Ce mois-ci, nous avons décidé de changer la formule d’articles de blogue informatifs pour laisser la parole à quelques résidents de Manoir Gouin. Au total, cinq résidents ont pris part volontairement à une entrevue par téléphone. Le Covid-19 apporte plusieurs bouleversements chez nos ainés en commençant par les mesures préventives mises en place au sein de la résidence. Notre résidence certifiée suit de près les directives émises par la ministre responsable des Ainés et des Proches aidants, Madame Marguerite Blais. Ainsi, à la mi-mars, l’animatrice des loisirs à la résidence a dû annuler toutes les activités sociales prévues jusqu’à nouvel ordre. Durant la même période, Manoir Gouin a dû fermer ses salles à manger suite aux recommandations émises par le gouvernement Legault. L’objectif étant d’éviter la transmission communautaire. Depuis le 23 mars 2020, les résidences privées pour ainés (RPA) interdisent les visites et les sorties hors de leur appartement.
Excursion dans ce projet à valeur humaine où le contact social est mis de l’avant.
5 questions à propos du confinement dans un appartement pour personnes âgées
Question no.1 Comment vivez-vous l’isolement dans votre appartement ?
Se tenir occupé dans un appartement pour personnes âgées en étant isolé de tous n’est pas chose évidente. En étant privés de sorties, les ainés doivent puiser dans leurs ressources internes pour surmonter l’épreuve. Voyons successivement ce que les résidents avaient à nous dire sur le sujet. Veuillez noter que deux résidents ont préféré garder l’anonymat et nous avons respecté leur demande.
Le matin, j’établis un programme de routine qui varie de jour en jour allant du ménage au lavage en passant par des loisirs. Avant le confinement dans nos appartements, je suivais des cours d’anglais à la résidence. J’ai décidé de pratiquer l’anglais pendant 2 heures tous les 2 jours pour ne pas oublier ce que j’ai appris. J’ai aussi la chance d’avoir une amie qui parle anglais avec qui je peux échanger sur ma tablette.
Je trouve difficile l’isolement sur le plan sportif. Il y a quelques années je me suis blessée et je ne peux plus bouger comme avant. Avant toute cette histoire du coronavirus, je pouvais au moins participer aux activités physiques organisées par la résidence. On me laissait même à l’occasion animer les séances d’étirement parce que je maitrise bien l’exécution des mouvements. Je suis bien déçue qu’il ne se passe plus rien à la résidence.
Résidente anonyme Pour ma part, j’essaie de rester active pour ne pas trop m’ennuyer. Je fais beaucoup d’activité physique au quotidien. Depuis que la salle d’entrainement est fermée, la résidence m’a permis d’emprunter des haltères pour faire mes exercices dans mon appartement. Je ne manque pas une journée pour faire de l’exercice. Même que lorsque je « magasinais » pour une résidence, je voulais à tout prix emporter avec moi mon vélo stationnaire. Quitte à le mettre à côté de mon lit s’il manquait de place, nous a-t-elle dit en riant.
M. George Aghazarian
Que pouvons-nous faire ? Ils nous protègent comme des bébés ! Ils nous suivent exceptionnellement bien. Je ne peux pas me plaindre !
Résidente anonyme Je ne vous cacherai pas que je trouve ça très difficile. En temps normal, je suis très autonome. Je suis une personne qui sortait tous les jours avant le confinement.
Pour la plupart, un heureux mélange entre l’ennui et s’occuper au quotidien plane. Il faut dire que nos résidents interviewés étaient autonomes et actifs avant les mesures de confinement mises en place.
Question no.2 Avez-vous des conseils à donner pour les aînés qui souffrent de solitude ?
Madame Forget Je conseille aux ainés qui souffrent de solitude de ne pas rester toute la journée en pyjama. Même si l’on voit moins l’intérêt, car on est confiné chez nous, il faut garder propre son chez-soi. Je suggère également d’écouter des émissions d’humour pour se changer les idées. Il m’arrive de téléphoner à mes amies qui ont moins le moral pis on se raconte des blagues question de ne pas trop sombrer dans les idées noires.
Résidente anonyme Je lui dirais de parler le plus souvent possible avec son entourage. J’ai 3 enfants et des petits enfants qui m’appellent au téléphone aussi souvent qu’ils le peuvent. Pour ceux qui sont habiles avec la technologie, communiquer par Internet aussi est une bonne façon d’éviter l’ennui. La télévision aussi peut désennuyer. Par exemple, je me suis loué un film sur demande hier soir. On essaie comme on peut de « tuer le temps » dans notre appartement.
Résidente anonyme Après avoir réfléchi un peu, nous lui avons demandé ce qu’elle dirait à une amie seule. Je lui dirais d’être courageuse, patiente et de penser aux belles affaires dans sa vie.
Madame Khayat C’est important de bavarder avec son entourage même si on ne peut pas les voir physiquement. Ne restez surtout pas seule dans votre coin à déprimer. Appelez une amie au téléphone ou utilisez une caméra sur votre ordinateur si vous en avez une pour garder contact avec vos proches.
George Aghazarian Soyez une personne qui « se tient debout ». Vous ne voulez pas être un fardeau pour personne. Restez calme et heureux et appréciez tout ce qui vous est donné.
Parler au téléphone a souvent été mentionné lors de nos entrevues. Pour les résidents, communiquer avec les autres leur permet de garder un contact virtuel avec le monde extérieur.
Question no.3 On entend beaucoup parler ces derniers temps de distanciation sociale. Quels sont vos trucs pour respecter un deux mètres de distance avec les autres ?
Tous m’ont fait part qu’ils n’ont pas vraiment eu besoin de respecter un deux mètres de distance, car il y avait déjà des procédures à l’interne. En effet, aucun résident ne peut sortir de son appartement sans supervision.
Résidente anonyme Je vous dirais qu’on n’a pas vraiment besoin de respecter un deux mètres de distance avec les autres, car on ne peut plus sortir et avoir des contacts extérieurs. Pour tout vous dire, je dois contacter une préposée de la résidence et attendre que celle-ci vienne me chercher pour récupérer mon courrier ou pour marcher. Ce que je trouve le plus difficile des mesures mises en place, c’est la perte d’autonomie que j’avais avant.
Madame Forget Mes trucs pour respecter un deux mètres de distance avec les autres sont bien simples. Je ne sors plus de mon appartement et je n’ai plus de contacts avec les autres résidents.
Madame Khayat Je suis asthmatique donc avant même le confinement, je respectais déjà tout le monde. Depuis le coronavirus, des machines de désinfection des mains ont été placées à l’entrée. Je peux également vous dire qu’une pièce est maintenant consacrée à tout ce qui entre chez nous. Par exemple, les préposés désinfectent ma commande d’épicerie avant de la monter dans mon appartement. C’est la même chose quand je veux me faire livrer de la nourriture. Aucun livreur n’est autorisé à circuler dans la résidence. Il doit laisser la nourriture à l’accueil puis un préposé s’occupe de désinfecter son contenu avant de me l’apporter. Je trouve ça difficile de ne plus voir personne ni même de participer à nos soirées cinéma qu’on faisait chaque semaine à la résidence.
Résidente anonyme Il est important d’écouter les consignes mises en place par Monsieur Legault et Monsieur Trudeau.
George Aghazarian Que puis-je demander de plus ? Tout le monde fait de son mieux ! L’administration prend mieux soin de moi que je ne pourrais le faire seul. On ne peut plaire à tous !
Aucun résident n’était en désaccord avec les mesures mises en place. Tous croient qu’il est important de respecter ce qui a été mis en place par le gouvernement provincial et fédéral. De ce fait, aucune sortie extérieure n’est possible.
Question no.4 Comme vous ne pouvez pas recevoir de visite en résidence, de quelles façons gardez-vous contact avec vos enfants et vos petits-enfants ?
Madame Khayat Je suis née en Égypte. J’ai la chance de pouvoir communiquer avec mes amies via l’application What’s App. Mes enfants communiquent aussi avec moi régulièrement par téléphone ou par caméra.
Madame Forget Je n’ai pas d’enfants, mais j’ai la chance de pouvoir communiquer avec mes amies avec ma tablette ou mon téléphone tous les jours.
Résidente anonyme Je n’ai pas d’enfants, mais je téléphone à mes amies aussi souvent que je peux.
Résidente anonyme Le téléphone me permet de rester en contact avec mes enfants et mes petits-enfants.
George Aghazarian Je parle 8 langues. J’ai été traducteur pour la communauté juive pendant 14 ans. Je n’aime pas être un poids pour personne. Restez calme et soyez heureux.
Par chance, les résidents que nous avons interviewés ont tous accès à au moins un téléphone. Certains sont plus technos que d’autres et ont accès à une caméra via leur ordinateur et leur tablette. Comme quoi, nos ainés sont connectés de plus en plus et s’adaptent aux nouvelles réalités d’aujourd’hui.
Question no.5 Dernière question, mais non la moindre… Avez-vous un message à transmettre aux générations futures ? Quelque chose qu’elles devraient retenir de cette pandémie mondiale et de cette expérience de confinement à la maison.
Madame Forget Je retiens surtout l’histoire de l’arc-en-ciel qui symbolise la vie dans toutes ses couleurs. Je veux rappeler également aux générations futures d’avoir la capacité de s’émerveiller dans les petites choses de la vie et de se trouver une passion.
Madame Khayat J’ai plusieurs messages à transmettre aux jeunes. Premièrement, ils doivent mettre de l’argent de côté dès leur plus jeune âge, car on ne sait jamais ce qu’il peut arriver. Deuxièmement, profiter de sa famille tant et aussi longtemps que cela est possible. Troisièmement, faire tout ce qu’on peut quand on est en santé… Ne pas attendre à demain.
Résidente anonyme J’espère qu’après la pandémie mondiale, les jeunes prennent l’air et profitent de jouer dehors en laissant de côté leur tablette et leur X-Box.
Résidente anonyme Je souhaite leur dire de laisser aller les choses et de ne rien forcer. La vie continue malgré tout. En terminant sur une note humoristique, elle nous raconte une anecdote à propos d’Elizabeth Taylor en entrevue. L’actrice américaine s’est fait questionner sur les hauts et les bas de sa vie et elle a répondu : I’m not dead yet! (Traduction libre : Je ne suis pas morte encore !)
George Aghazarian La vie est basée sur deux choix : être positif ou négatif. Personne ne peut vous rendre heureux. Cela dérange certaines personnes qui ne peuvent pas comprendre ces deux choix simples.
Que pouvons-nous retenir de ces entrevues avec nos résidents confinés dans leur appartement pour personnes âgées ?
Nous retirons plusieurs leçons de sagesse de nos résidents, mais surtout, leur capacité à apprécier les petits gestes banals du quotidien comme… un simple appel de courtoisie pour prendre de leurs nouvelles. N’oublions pas que nos ainés ont tous une histoire qui mérite d’être racontée. Avant d’effectuer les entrevues, nous supposions une vision plutôt pessimiste de la réalité en résidence pour personnes âgées. Nous avons découvert, au contraire, des ainés éveillés qui ont su faire preuve de résilience. Nous souhaitons remercier nos résidents bénévoles sans qui cet article n’aurait pu voir le jour. Au nom de toute l’équipe, MERCI du fond du cœur !